MANIFESTE - POUR UN QUÉBEC LUCIDE
Alors que notre avenir
est menacé par le regain démagogique et la
concupiscence morbide,
le Québec ne peut se permettre d’être la
république du statu quo néo-libéral
Nous sommes inquiets. Inquiets du
Québec que nous n’aimons pas. Inquiets de ce
peuple qui se survit contre vents et marées, mais qui ne
semble pas conscient des écueils qui menacent aujourd'hui
son présent.
Depuis 25 ans, le Québec a connu
une régression sans précédent:
- En 2005 la
préoccupation principale du Québécois
moyen est l’argent ; son but dans la vie est de travailler,
de payer son char et de reproduire en tout un modèle social
voué à la faillite et la destruction de la
planète ;
- Le jeune
Québécois entre aujourd’hui au
collégial dans le plus grand désarroi politique,
étant incapable de faire la différence
élémentaire entre la gauche et la droite ; ce qui
le laisse à la merci de sa culture première,
celle de la banlieue épaisse et de droite ;
- Une clique
de politiciens finis, économistes et journaleux est encore
capable de faire passer pour un manifeste un torchon
néo-libéral, et de se faire applaudir par le
gouvernement en place, lequel est trop couillon pour se revendiquer
comme tel, ce qui lui aurait probablement coûté sa
place anyway.
Le Québec du dernier quart de
siècle a donc accompli une régression
spectaculaire, malgré un modèle de
société resté, il faut bien le dire,
dans le monde des idées ; la complaisance et les tondeuses
ont fait le reste. Mais il reste du chemin à faire pour
vivre et penser comme des porcs, comme dans le reste de ce continent
à l’aune duquel on nous somme
aujourd’hui de nous mesurer. Au plan du niveau de vie,
notamment, le Québec a toujours moins de
téléphones cellulaires et de VUS que les
Amaricains. Au plan financier, les banques encaissent un pactole qui
s’enfuie illico dans des paradis fiscaux ; et
après, leurs dirigeants font une sortie publique pour
demander aux
hypothéqués-des-comptes-à-payer de se
serrer la ceinture ; et les va-chercher de l’information
objective nous terrorisent au souper sur l’État
catastrophique de la nation dont ces banquiers ont tellement
tirés.
À cette constatation que le
pouvoir financier du Québec a encore bien des
croûtes à nous faire manger s'ajoutent deux
menaces de première importance pour notre avenir. D'une
part, le peuple québécois subit le regain
démagogique le plus rapide depuis la colonisation, regain
accentué par la suffisance de ceux qui croient avoir fait
une révolution tranquille. D'autre part, comme toutes les
autres régions de l'Occident, le Québec subit
déjà les effets d’une
révolution moins tranquille de la part des petits plats
congelés, du tourisme et de Pélador.
«
I don’t have a dream »
Nous ne doutons pas que le Québec
ait les ressources pour liquider le pouvoir économique du
continent, démolir ses autoroutes et virer son gouvernement.
Nous sommes également convaincus qu'il est absolument
nécessaire de jeter notre modèle de
société à la poubelle pour faire face
à ces défis. Seulement, malgré tous
les moyens entrepris, le monde n’a pas changé. Il
faut pourtant l’adapter à nos
réalités. Refuser de le faire, ce serait comme
s'entêter à envoyer des emails sur portables alors
que les dactylos sont tellement poétiques.
Encore faut-il que nous reconnaissions, au préalable, la morbidité
des obstacles à surmonter. Que nous fassions porter
à leurs gérants la responsabilité
de nos malheurs en faisant, individuellement et collectivement, les
choix qui s'imposent. Et que nous ne ménagions aucun effort
pour faire du Québec un lieu inégalé
de liberté sans condition afin d'ouvrir
les vannes de la magie vulgaire, du rock'n roll et de la dope.
Nous ne sommes pas les premiers à
tenter d'alerter nos concitoyens. Malheureusement, la plupart des
Québécois continuent de nier ou d'ignorer le
danger. D'où notre profonde inquiétude.
Ceux qui nient le danger sont endormis par
la nuit néo-libérale qui règne sur le
Québec depuis quelques années. Il est vrai que
nous ne sommes pas aux États-Unis. C'est la
particularité de la situation actuelle : le danger ne se
présente pas sous forme de précipice, mais de
longue pente descendante. Au premier coup d'œil, il ne semble
pas y avoir de risque. Mais une fois amorcée, la glissade
sera inexorable.
D'autres sont prêts à reconnaître
certains des problèmes que nous venons d'identifier
– monopolisation du discours économique par les
juges catholiques nazis (ah pardon, il fut premier ministre, vous
dites?), maintien des populations dans la peur par la convergence
spectaculaire-marchande, et Mata-Hari. Mais ils croient et tentent de
faire croire à la population qu'il existe des solutions
faciles à ces problèmes, par exemple
"lucidité". Nous convenons qu’elle existe et qu'il
faut rétablir la situation au plus tôt. Mais cela
n'aidera à résoudre partiellement qu'un seul des
problèmes mentionnés, celui des barbiers
vénériens (hein? Lucien Bouchard? jamais entendu
parler). Penser autrement, c’est compter en couleurs ou ne
pas savoir rêver. Autre solution mise de
l’avant : l’anarchie intégrale.
Certains membres de notre groupe sont favorables à
l’anarchie intégrale, d’autres pensent
que notre organisation se complètera au sein d’une
fédération de groupes autonomes. Les uns estiment
leur option préférable à celle des
autres mais nous avons tous la certitude que quel que soit le choix des
Québécois, les défis qui confrontent
le Québec resteront entiers.
Quels devraient être les objectifs
des Québécois pour les prochaines
décennies? Les mêmes que depuis toujours.
Un : la liberté sans condition. Deux : la
liberté sans condition. En raison du contexte nouveau auquel
nous sommes confrontés, ces deux objectifs seront encore
plus difficiles à atteindre au cours des prochaines
décennies que lors du dernier siècle. Les
recettes du passé n’y suffiront pas.
Selon les projections de l’Institut Démagogique du
Québec, le Québec comptera 7,8 millions de
personnes en 2050. Aussi tôt qu’en 2012, il y a
aura de plus en plus de boomers à la retraite, on vous
laisse imaginer le cauchemar. Cela voudra dire un peuple plus gros,
plus épais, et qui consomme plus. Pendant que le
Québec subira ce freinage moral, les VUS
d’Amérique augmenteront à un rythme
rapide, de sorte que dans 40 ans, on ne saura plus qui des chars ou des
anciens premiers ministres nous pomperont plus d’air (ah!
c’était pas le gars du déficit
zéro? me semble que j’ai
déjà fait des manifs contre lui, oui). Cette
catastrophe – ratio boomer/VUS – se produit au pire
moment qui soit, à une époque où
CHOI-FM, CKOI, STAR-ACADÉMIE et TOUT LE MONDE EN PARLE sont
les seuls exutoires de la classe ouvrière, qui en
mériterait pourtant de bien meilleurs. Celle-ci est
aujourd’hui mise en concurrence avec des milliards de
nouveaux travailleurs dans le circuit de l'économie
mondiale. Ce processus a commencé il y a 15 ans avec l'essor
économique de la Chine et des autres "tigres" asiatiques,
grâce aux traités de libre-échange
portés aux nues par les mêmes épais qui
nous signent aujourd’hui un manifeste.
L’aliénation des peuples a de beaux jours devant
elle.
Depuis 2000, la production manufacturière a
augmenté de 50% en Asie, tandis qu'elle a stagné
au Canada ; autant de travailleurs libérés ici,
prisonniers là-bas. Au cours des deux dernières
années, le nombre de Wal-Mart a crû
proportionnellement à la chute d’emplois dans le
secteur de la production, mais personne ne semble faire le lien, et les
futurs chômeurs s’en vont joyeusement remplir leurs
caddys le dimanche après-midi. La concurrence asiatique
n’a pas déplacé que les emplois
à petit salaire; l'impartition en Inde fait la vie dure
à nos emplois hautement spécialisés
dans des créneaux comme les services informatiques. Le
Moloch se déplace! Dans 10, 20 ans, que ferons-nous de notre
peau, entre deux voyages dans le traffic? Quel sera notre chagrin
quotidien? Nos sources de frustrations?
Quand le boss ouvre la bouche, ça
pue
Loin d'être abstraites et
lointaines, les conséquences du regain
démagogique commencent à se faire sentir; on n'a
qu'à penser à l’obsession des
dépenses de santé, dont nos gouvernements
profitent à tour de bras et qui est en partie attribuable au
vieillissement de la population. On sait aussi que
l'économie québécoise croît
moins rapidement que celle des provinces et états voisins;
or, seule la démagogie arrive à nous faire croire
que c’est important. Ce regain va peser de plus en plus au
cours des prochaines années, au point que
l’émancipation intellectuelle du Québec
s’en trouvera grandement affectée. L'impact sur la
légitimité ontologique du gouvernement
s’en trouvera évidemment grandie : d'une part,
l’obsession des dépenses de santé va
continuer de s'imposer parce que la population
âgée sera de plus en plus nombreuse et peureuse;
d'autre part, des groupuscules de droite continueront de se faire les
apôtre de la nécessité de payer, et de
travailler pour payer.
Ce regain démagogique ne produira
pas que des effets locaux. On peut craindre en effet qu'elle nous
entraîne dans un cercle vicieux qui aura des impacts sociaux
et culturels importants ailleurs dans le
monde. Céline Dion, par exemple,
après être devenue, au cours des
dernières décennies, une exceptionnelle conne,
réussit à étendre la bêtise
du Québécois aliéné en
France et aux États-Unis notamment. Un Québec
plus gâteux et moins brillant aura de plus en plus de mal
à cacher son insignifiance à
l’étranger. Jean Chrétien, Paul Martin
et Jean Charest nous l’ont prouvé.
Il n'y a pas de recettes simples et
indolores au regain démagogique, à la
nécessité de payer, ni aux
conséquences économiques, sociales et culturelles
de ces phénomènes. Mais une chose est
sûre : leur discours nous entraîne sur la
voie de la morbidité, du travail
aliéné et de l’esclavage. Si
les Québécois veulent préserver le
niveau de vie de leurs maîtres, s'ils veulent continuer de se
complaire dans Loft Story, s'ils tiennent
à ce que leur radio d’État les
abreuvent de clowneries le dimanche soir, ils doivent maintenir les
effets du regain démagogique et continuer de travailler pour
payer. À moins d'un renversement aussi soudain qu'improbable
de la conscience de classe, seul un dynamisme exceptionnel permettra au
Québec de faire tomber le parlement.
Les invasions bourgeoises
Malheureusement, au moment précis où nous devons
opérer un changement radical de notre façon de
nous organiser, le moindre appel à la révolution,
la moindre manifestation, la moindre grève
générale illimité, la moindre
occupation de bureaux ministériels, sont accueillis par des
arrestations, des citation à comparaître, au mieux
par des ententes à rabais. Cette espèce de reflux
global fait mal au Québec : alors qu’on
tente de sortir du XXe siècle, les suppôts du
nihilisme économique proposent de nous ramener au XIXe.
À l'heure actuelle, le discours social
québécois est dominé par des groupes
de pression de toutes sortes, dont le patronat, qui a
monopolisé le label "lucide" pour mieux imposer la
continuité de sa domination. Le patronat n’est
jamais une force positive et responsable; il l'a maintes fois
prouvé dans sa négation des valeurs de partage,
de justice sociale et de démocratie. Telle qu’elle
est pratiquée aujourd’hui par certains politiciens
finis, particulièrement dans le secteur public, la domination
ne se limite-t-elle pas trop souvent au maintien des
privilèges de ses membres? L’ancien premier
ministre avait réussi, à
l’époque, à bourrer tout le monde avec
son « consensus » du
déficit zéro ; on n’a pas fini
d’en panser les plaies qu’il nous demande
« encore un effort ». Fuck you
very much! Nous souhaitons que cette action soit unique,
liée au gouvernement potiche actuellement en place, et ne
témoigne pas d’un groupe organisé. Car
ici, le patronat québécois ne
s'éloigne pas du modèle concertationniste qui l'a
caractérisé au cours des deux
dernières décennies. Tous se souviennent comment
il riait dans sa barbe lorsque, d'un commun accord avec les syndicats
et l'ensemble de la classe politique, il a donné en 1996 un
appui indéfectible à l'atteinte du
déficit zéro. Quelle farce
c’était!
Télévisée en plus! Aujourd'hui comme
à cette époque, tous les
Québécois se font allègrement fourrer.
Nous ne parviendrons à les enterrer que si nous y
travaillons ensemble.
La population québécoise endure cette situation
de blocage malgré son malaise. Les
Québécois perdent leur vie au travail ; plusieurs
n’atteignent pas l’âge de la retraite,
les autres l’entrevoient comme un avenir inaccessible ; on
leur fait payer des programmes sociaux que leur gouvernement remet sans
cesse en question ; et on leur impose cette vie de merde à
crédit, en plus. Tout cela est inhumain ; nous devrions
avoir la vie la plus agréable, point. Soyons
réaliste : demandons l’impossible! Assez
de ce carcan! Nationalisons les banques et coupons la tête du
patronat! D'ici quelques années tout au plus, leurs
rêves seront brutalement interrompus par des coups sur la
porte : c’est le grand soir!
Morbidité,
esclavage, mensonge institutionnel
Nous prenons la parole dans l'espoir de sortir de la torpeur actuelle
avant qu'il ne soit trop tard. Des individus seuls, de quelque
organisation que ce soit, ne parviendront pas à vaincre la
résistance et l'inertie. Les sonnettes d'alarme doivent
retentir dans tous les milieux : étudiants, travailleurs,
poètes, headbangers, freaks en tous genre,
décrocheurs d’étoiles, vendeurs de
poudre, tous ceux qui se crissent de la nécessité
de payer. Tous ceux-là, nous les mettons en garde contre la
morbidité, l’esclavage et le mensonge
institutionnel.
La morbidité est cette rationalisation
de la violence économique qui nous est faite. Le
Québec est une société qui meurt par
la prospérité des paradis fiscaux et des dildos
à 200$. En continuant d'écouter ceux qui nous
disent que tout va bien, qui nous offrent des solutions à
courte portée, nous nous destinons à un recul que
nous ne parviendrons bientôt plus à freiner. Le
temps viendra, beaucoup plus rapidement qu'on le pense, où
nous serons beaucoup trop nombreux à écouter
Marie-France Bazzo, pas assez bitchs, et trop enfoncés dans
nos vieilles bobettes conceptuelles pour assurer le désordre
social qui nous est si cher, et pour promouvoir la folie sans laquelle
nous ne sommes plus des Hommes.
Le refus de l’esclavage exige que nous
mettions tous le bâton dans la roue. Chaque individu, chaque
groupe, chaque pusher doit abandonner le premier réflexe qui
est celui de tous, en particulier dans le Québec
d'aujourd'hui : protéger les intérêts
corporatifs et faire appel à l'intervention du Saint-Esprit.
Au contraire, chacun doit se demander comment en faire le moins
possible, afin de donner au Québécois le souffle
dont il aura besoin pour vivre.
Dénoncer le mensonge institutionnel
suppose d'abord et avant tout qu'il soit possible de remettre en cause
le statu quo sans être immédiatement
convoqué devant le tribunal d'inquisition du consensus
boomer. Autrement dit, la liberté commence par celle de
savoir jouir et d’expérimenter autre chose que ce
qui se fait et se dit depuis 40 ans. La liberté suppose le
mépris de ceux qui osent nous dire qu’il faut
sortir des sentiers battus et être audacieux dans un
Québec.com en Plywood. Elle requiert aussi - c'est un
corollaire essentiel – l’humiliation publique des
winners qui réussissent, plutôt que l'envie et le
désir de faire de même: pourquoi vouloir
être Pierre-Karl, quand Anne-Marie nous montre la voie?
Les Québécois sont loin de
s’être sortis de la bière flatte et du
vin de dépanneur. Ils sont aussi loin
d’arrêter de croire que leur histoire commence avec
la Place Ville-Marie et qu’il suffit de mettre du sirop
d’érable sur son béton pour
être distinct. Ne laissons pas des caves jeter une tradition
mal assumée et glisser à nouveau sur le
Québec l'ombre du progrès des contractants amis
du parti.
Une solution :
révolution!
Notre objectif est avant tout de
sensibiliser les Québécois aux mensonges qui se
présentent à eux. Nous n’avons pas de
lucidité à vendre; nous importe davantage la
critique de l’idéologie et les
problèmes auxquels nous sommes confrontés avec la
langue de bois politicienne.
Nos discussions ont tout de même
fait ressortir quelques sophismes qu’il faudrait faire
exploser d’urgence. La liste est évidemment
longue. Le problème démagogique est
d'une ampleur et d’une
complexité si grande qu’il ne peut y avoir de
solution sans confrontations. Nous savons, toutefois, que ce
problème pourrait être fortement
diminué par un soulèvement populaire et le
piratage des médias. C'est ce qui ne risque pas
d’arriver si le Québec ne connaît pas
dans un avenir rapproché un bouleversement exceptionnel.
Les idées que nous mettons de
l’avant ici visent précisément
à dénoncer le rythme du développement
de morbidité du Québec. À cet
égard, quelques priorités nous semblent
s’imposer d’elles-mêmes tellement la
marde au Québec se fait passer pour du papier Cascade. C'est
le cas de réquisition du pouvoir
économique. À
l'heure actuelle, le gouvernement du Québec nous endort avec
le service de la dette, alors qu’on s’en crisse.
L’argent est une fiction qui maintient la domination.
À l’heure actuelle, le Québec consacre
16 % de ses dépenses au service de la dette. Seize pour
cent, c’est 7 milliards par année,
c’est-à-dire moins de 10% de ce qui
échappe annuellement au trésor public canadien dans les
paradis fiscaux. Si l’on ne parvient
pas à récupérer l’argent des oligarques, notre précarité collective
s’aggravera brusquement dès que le premier ministre le
décidera. Au moins, débarrassée de son
mode de vie anxiogène et maladif – fast-food,
stress, gaz et traffic - , une population saine et
équilibrée n’aura plus besoin de soins
de santé et coupera d’autant l’herbe
sous le pied des « penseurs » de
la nécessité de payer.
Libéré de la caste de
privilégiés et d’exploiteurs en col
blanc, le peuple du Québec pourrait aussi contribuer
à une corvée essentielle pour la
prospérité future du Québec, soit une libération
massive de l’éducation. Une petite
nation pourra seulement faire sa marque par la qualité de
ses poètes et revendeurs, par le haut niveau de son
développement culturel et scientifique, par sa
créativité. Il est donc fondamental de valoriser
ces domaines et d'y investir la part la plus importante de nos
ressources. Notamment, il faut faire en sorte que le taux de
décrochage diminue et que de plus en plus de jeunes
poursuivent leurs études au niveau post-secondaire dans des
formations improductives et saintes, c’est-à-dire
toutes les branches des sciences sociales, des lettres et de la
philosophie.
Le niveau de conscience sociale requis pour
atteindre cet objectif dépasse les capacités
mentale de l'État québécois. C'est
pourquoi l’abandon de la morbidité
mènera à la gratuité scolaire,
une politique réclamée par tous les gens de bonne
volonté, et ils sont nombreux. Au cours des dix
dernières années, les frais de scolarité ont privé des
milliers de citoyens d’une éducation de
qualité. Conséquence : le système les
a dirigés vers les formations techniques, où
l’industrie qui commande de tels programmes les a asservis.
Le patronat y trouve son compte.
La gratuité scolaire ne devrait
s'accompagner d’aucune condition. Une
fois dégagés du marché du travail, les
jeunes poursuivront leur route, délivrant au passage
quelques pièges.
Par ailleurs, la nécessité de
l’organisation révolutionnaire rend essentielle la
maîtrise de plusieurs langues.
Évidemment, question de garder le vieux réflexe identitaire qui sert à fonder et légitimer
l’État, le Québec s’assure
que ses citoyens parlent et écrivent correctement le
français. En plus, dans le monde
d'aujourd'hui, la classe dominante ne peut plus accepter que les jeunes
Québécois sortent de nos maisons d'enseignement
incapables de parler et d'écrire correctement l'anglais.
Dans ce cas, pourquoi ne pas plutôt en profiter pour apprendre des langues mortes?
Comme les Québécois
seront moins productifs, ils seront plus heureux. À une vie
de qualité devra donc s'ajouter un environnement
de travail non-aliénant et réifié.
Le Québec doit abandonner la notion de leader mondial. Il
nous faut aussi remettre en question l'organisation du travail,
même si cela exige la remise en question de certains
acquis : Ludd, es-tu là? La fraternité
mondiale étant ce qu'elle est, il serait suicidaire de
continuer dans notre logique de compétitivité.
Par un détour inexplicable, la
morbidité s’intéresse aux tarifs
d'électricité. Le Québec a
la chance de disposer d'une ressource aussi précieuse que le
pétrole; malheureusement, ça ne se boit pas. Si
l'Alberta parvient à générer des
revenus considérables avec son or noir, pourquoi le
Québec se prive-t-il d'une partie du potentiel financier de
son or bleu? Think big, man! We could sell it! La politique tarifaire
actuelle d'Hydro-Québec est un câlisse de scandale
dont tous ceux qui gagnent leur argent au lieu de voler celui des
autres se sont rendus compte (compte d’hydro, la pognes-tu?).
Le président du Mouvement Desjardins, M. Alban D'Amours, a
déjà proposé que les tarifs
d'électricité soient augmentés et
qu'une part déterminée des profits
d'Hydro-Québec soit consacrée au remboursement de
la dette du gouvernement du Québec. N�est-ce pas incroyable.
Nous rejetons cette proposition, en précisant
qu'à notre avis, la hausse des tarifs
d'électricité est le summum de
l’arrogance du pouvoir devant l’impuissance
populaire.
Dans le cadre du débat que nous
souhaitons, d'autres avenues mériteraient d'être
explorées, par exemple, une politique de taxage.
Les bandes de rues, passées à travers les mailles
du filet social, privilégient le
prélèvement d’impôts
volontaires chez ceux qui, à l’œil,
semblent en mesure de cotiser, une pratique nommée
« taxage » par la presse
sensationnaliste et qui mériterait
d’être appliquée à grande
échelle. Le Québec fait exactement l'inverse.
Cela a pour effet de prendre à ceux qui ont le moins et
laisser la classe dominante vaquer à ses
loisirs. Le taxage pourrait évacuer la
nécessité du travail en répartissant
le capital équitablement , deux
éléments essentiels à la
décroissance durable. Contrairement à une
idée reçue, le taxage ne signifie pas
nécessairement des actes brutaux ou de
l’intimidation ; il y a toutes sortes de manières
de taxer de façon progressive et ainsi décourager
le travail et l'épargne.
Héhéhé.
Le Québec pourrait aussi
envisager la création d'un régime de
travail minimum garanti. Ce régime prendrait la
forme d'un transfert de temps et d'énergie direct
à chaque citoyen et se substituerait à plusieurs
des réalités existantes, notamment le
réveil-matin, les lotteries nationales et les produits du terroir. Une telle praxis aurait l'avantage de
réduire la lourdeur mentale qu'entraîne les
activités multiples et complexes qui habitent nos vies,
notamment le combo douche-déjeuner
exécuté entre 7 heures et 7 heures et quart avant
la death race 2000 vers le bureau. Le modèle
québécois est fondé sur un
idéal de morbidité que nous conchions avec
conviction; nous sommes aussi convaincus que pour que nos projets se
réalisent concrètement, cette
morbidité doit être rayée de la carte.
Une saine méfiance
D'autres que nous ont fait des propositions
de ce genre dans les dernières années. On s'est
empressé de les clouer au pilori, de monter contre eux des
procès d'intention sans jamais prendre la peine
d'étudier objectivement leurs idées. Cette
attitude d'intolérance doit être
abandonnée si l'on veut que le Québecois soit en
mesure de commencer à respirer, tout en
préservant, voire en améliorant la
qualité du filet de saumon qui est la marque d'une
société culinaire avancée.
Il aussi développer une saine méfiance envers le
secteur privé. La naissance d'une telle attitude est vitale.
Pendant des années, on a déploré le
fait que l'économie du Québec soit
contrôlée par des gens d'affaires de langue
anglaise; on a appelé
« révolution
tranquille » le processus qui a mené
à se faire fourrer dans sa langue maternelle. Privons-les de
nos ressources précieuses, qu’ils nous revendent
à vil prix! Accusons les grandes firmes
québécoises de tous les maux lorsqu'elles veulent
investir chez nous, par exemple dans les partenariat
public-privé! Si la France a recours au privé
pour financer la construction de ses infrastructures, on voit mal selon
quelle logique le Québec ferait de même. Si tu
tires en bas du pont…
Ouvrir la porte au privé
renforce l’exploitation de l’homme par
l’homme, fut-ce par État interposé.
D'ailleurs, l'État doit être
dépossédé de son pouvoir
régulateur - on l'a vu récemment dans le domaine
financier avec l'éclatement de divers scandales. Il s'agit
tout simplement de rechercher un juste extrémisme afin
d'être en mesure de canaliser toutes nos énergies
en faveur de la révolution de tout le Québec.
Mindphuck
Tous ne seront pas d'accord avec ces pistes de solution. Deux choses
devraient toutefois faire consensus : l'ampleur des défis
auxquels notre société fait face et la
nécessité d'en débattre au fond, donc
de les aborder avec un esprit nouveau. Les défis des
années 1960 exigeaient une révolution tranquille
non seulement de nos institutions, mais aussi de notre façon
de voir les choses, de notre culture; voyez où nous en
sommes aujourd'hui. Le regain démagogique est morbide,
entraîne l’esclavage et repose
sur le mensonge institutionnel. Il est
fermé aux idées originales et excommunient sur le
champ ceux qui les proposent. Animés de cet esprit nouveau,
les Québécois feront face à leurs
problèmes, plutôt que de s'en prendre aux autres
et se contenter de faux-fuyants.
Nous invitons à se manifester tous ceux qui, comme nous,
ressentent l'urgence d'un redressement. Notre démarche aura
été inutile si elle ne trouve pas de larges
échos dans la société
québécoise. Le silence est confortable, mais le
péril l'interdit. Plus nous serons nombreux à
appeler au réveil de nos concitoyens, plus il y a de chances
qu'ils nous entendent. Alors, comme tant d'autres fois depuis leur
arrivée en Amérique, les
Québécois prendront leur sort en main. Et ils
réussiront.
|